L’âge de raison, Jami Attenberg, éditions les Escales, 19,90 euros

Chronique douce-amère de la vie new-yorkaise, l”âge de raison” est une incursion dans la vie d’Andréa, célibataire citadine, à différentes phases de sa vie, de son installation à New-York après avoir abandonné sa vocation artistique jusqu’à l’approche de la quarantaine. Un récit parfois drôle, parfois poignant, où chaque chapitre saisit un épisode précis de la vie d’Andréa, mêlant présent et passé avec une grande fluidité.

Comment devenir adulte quand, à trente ans et des poussières, on se sent encore comme une ado qui cherche sa voie? A travers les histoires d’Indigo, sa meilleure amie, de son frère et sa belle-soeur, bientôt parents d’une enfant atteinte d’une maladie incurable, de sa mère, militante infatigable (formidables personnages secondaires) Jami Attenberg nous livre le portrait touchant d’une jeune femme dont les tatônnements reflètent la fragilité de notre époque contemporaine. Une belle surprise que cet “âge de raison”. A découvrir!

 

   Mille petits riens, Jodi Picoult, Actes Sud, 23,50 euros

Ruth Jefferson, sage-femme depuis 20 ans, est une employée modèle, une collègue appréciée et la mère d’un adolescent qu’elle élève seule. Quand un bébé décède dans son service et que les parents, jeune couple de suprémacistes blancs, l’accusent de malveillance, son monde s’écroule. La jeune Kennedy, qui a choisi d’être avocate de la défense publique pour défendre les plus démunis, plaidera sa cause et pense tenir là sa grande affaire. Le roman de Jodi Picoult donne la parole à ces trois personnages à tour de rôle et l’on plonge dans le récit bouillonnant d’un procès brûlant, qui réveille les pires aspects de la société américaine.

“Mille petits riens” est un roman dense et fort, qui n’épargne ni ses personnages ni ses lecteurs ; chaque personnage livre ses convictions profondes et ses contradictions intimes, démontrant ainsi la complexité de la question raciale, particulièrement aux Etats-Unis. Jodi Picoult réussit la prouesse de traiter d’un tel sujet avec subtilité, en évitant les écueils du manichéisme et préférant mettre en avant ces milles petits riens du quotidiens, ces menues actions vers l’autre, qui comptent parfois plus que les grandes déclarations.

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Un écrin de papier

Fugitive parce que reine, Violaine Huisman, Gallimard, 19 euros

Un premier roman au titre énigmatique qui nous transporte. Violaine Huisman retrace la vie de sa mère, Catherine, femme fantasque et imprévisible avec qui le quotidien fut chaotique. A l’ouverture du récit, Violaine, 9 ans, assiste à la chute du mur de Berlin à la télévision alors qu’au même moment sa mère s’effondre elle aussi, victime d’une grave dépression qui oblige à la faire interner. Cette vie heurtée, suspendue aux sautes d’humeurs d’une femme écorchée vive, rattrapée par la maladie (qu’on appelle encore maniaco-dépression), est racontée du point de vue de l’enfant, dans une narration vivante et non dénuée de traits d’humour.

Dans la deuxième partie du récit, on aborde la vie de Catherine de façon objective, par le prisme d’un regard extérieur ; tout s’éclaire alors d’une autre façon, à l’aune de l’enfance difficile d’une petite fille à la santé fragile, contrainte de passer plusieurs années à l’hôpital, privée de sa mère. Enfin la troisième partie nous livre le regard réconcilié de l’adulte qui a construit sa vie et évoque le lien indéfectible avec sa mère, malgré toutes ses failles.

Servi par une écriture somptueuse et ciselée, “Fugitive parce que reine” est un texte bouleversant et original, mais aussi plein d’une belle énergie de vie.

 

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Les loyautés, Delphine de Vigan, JC Lattès, 17 euros

Les loyautés, ce sont les promesses que l’on a faites ou que l’on s’est faites à soi-même dans l’enfance, les “fidélités silencieuses” qu’évoque ici Delphine de Vigan, qui peuvent à la fois nous entraver et nous libérer. Sur ce sujet complexe, l’auteur construit un roman choral court et contemporain qui nous fait partager les états d’âme de quatre personnages : Hélène, professeur de collège qui s’inquiète pour Théo, l’un de ses élèves ; Théo, douze ans, écartelé entre ses deux parents divorcés ; Mathis, son meilleur ami et Cécile, sa mère, qui ne voit pas d’un bon oeil cette relation.

Delphine de Vigan explore l’intime avec beaucoup de finesse et nous rappelle que les tourments des enfants reflètent souvent les blessures non refermées des adultes qui les entourent. Un roman comme un jeu de miroirs, de transferts d’émotions entre adultes et enfants et une réflexion passionnante sur les loyautés intimes qui nous définissent et nous dépassent.

 

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Un Noël mouvementé en perspective

Quand vient le temps d’aimer, William Nicholson, éditions Livre de poche, 7,90euros

En ce mois de décembre 2008, plusieurs habitants du petit village d’Edenfield (Angleterre) semblent succomber à un étrange philtre d’amour : Belinda, quinquagénaire qui envisage de tromper son mari, découvre l’infidélité de celui-ci ; sa fille Chloé, elle, veut aider son amie Alice à séduire le jeune Jack, mais c’est Chloé qui enflamme le coeur de celui-ci, alors qu’elle lui préfère un homme plus mûr. Ajoutons à ces personnages la figure d’un jeune artiste en vogue, celle d’un vieil artiste oublié et malheureux, ainsi qu’un plombier violoniste et nous obtenons la recette d’un roman parfaitement anglais.

Amours déçues, trahisons, retrouvailles, c’est donc au jeu du chat et de la souris que s’adonnent ces personnages, pour notre plus grand bonheur. En effet, William Nicholson sait mêler situations équivoques et interrogations existentielles, manier l’ironie comme décrire les tourments intérieurs de ses personnages, qui se découvrent devant nous au fur et à mesure que l’intrigue progresse et se révèlent parfois à eux-mêmes. Un roman maîtrisé et jubilatoire qui, sur le thème ressassé de l’adultère, nous offre des réflexions nouvelles et rafraîchissantes à travers des personnages si justes qu’ils nous semblent humains. Un délice british, à consommer sans modération!

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De grands crus en petit format

Les petites consolations, Eddie Joyce, éditions Rivages, 9,60 euros

Comment se reconstruire après la perte d’un être cher, d’un fils, d’un frère, d’un mari? Les membres de la famille Amendola répondent chacun à leur manière à cette question et vivent ce drame intime différemment. Bobby, le fils préféré, pompier, est mort en héros dans les attentats du 11 Septembre 2001. Dix ans plus tard, ses parents, Gail et Mickaël, affrontent difficilement le quotidien, ressassant parfois leurs souvenirs ; Peter, le frère aîné, se noie dans le travail tandis que Francky, le frère cadet, se laisse sombrer… Quand Tina, la veuve de Bobby, annonce qu’elle a rencontré quelqu’un, cela sonne pour certains comme un nouveau coup porté au défunt. Tina pourra-t-elle s’autoriser à aimer à nouveau et convaincre sa belle-famille de renouer avec le bonheur?

Dans ce roman choral où chacun exprime sa vérité tour à tour, Eddie Joyce explore avec une grande justesse le thème du deuil d’un être cher et la déflagration que peut provoquer cette perte dans la vie de ses proches, même des années après. Un roman sensible dont  les personnages, très attachants, (notamment Gail, qu’on découvre touchante en jeune mère inexpérimentée qui se laisse épauler par sa belle-mère) composent un magnifique portrait de famille. Une belle réussite.

Nos âmes, la nuit, Kent Haruf, éditions Robert Laffont, collection Pavillons poche, 9.90 euros

Voici un petit livre magique, un petit livre surprenant dont la simplicité n’a d’égale que l’intensité. Addie, soixante-quinze ans, veuve depuis longtemps, convie son voisin Louis, veuf lui aussi, à passer de temps à autre la nuit avec elle, pour parler un peu et se tenir compagnie. Bientôt les deux voisins se retrouvent presque tous les soirs, au mépris des rumeurs et des jugements dans cette petite ville de Holt où ils vivent depuis toujours. Mais leurs enfants finissent par s’en mêler et les choses se compliquent… Voilà en substance, l’intrigue assez simple de cette pépite littéraire étonnante.

Le livre nous conduit pas à pas vers le vif du sujet, comme Addie qui semble conduire Louis peu à peu vers une nouvelle façon d’aimer. Et l’on découvre avec eux cette relation libre, affranchie des conventions et du qu’en-dira-t-on, comme on retrouverait la joie de l’enfance et des choses simples. Kent Haruf nous offre avec ce roman une leçon de vie, un livre léger traitant de sujets plus graves qu’il n’y paraît : la vieillesse, la solitude, le repli sur soi, mais aussi la richesse du lien qui n’a pas d’âge. Un délice!

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Belles feuilles d’automne

Gabriële, Anne et Claire Berest, éditions Stock, 21,50 euros

Les deux arrières petites-filles de Gabriële Buffet-Picabia s’emparent du personnage de leur aïeule avec le besoin d’en découdre, de mieux comprendre cette femme singulière dont les quatre enfants et, par extension, leur descendance, n’étaient pas la préoccupation première.

Gabriële se révèle un personnage romanesque à souhait car pétrie d’ambivalences : éprise de liberté mais épouse dévouée à son mari, musicienne qui abandonne la musique, amoureuse intense mais platonique, elle est la muse des artistes qui l’entourent (Picabia, Duchamp, Apollinaire), celle qui influence, théorise, enflamme les consciences et les coeurs.

On suit avec passion les aventures de Gabriële et du couple iconoclaste qu’elle forme avec Picabia dans cette fresque historique qui est à la fois une histoire d’amour fou et une plongée dans le monde de l’art moderne à ses débuts.

La Beauté Des JoursLa beauté des jours, Claudie Gallay, Actes Sud, 22 euros

Jeanne et Rémy coulent des jours paisibles dans un village près de Lyon. Leurs deux filles, des jumelles, viennent de partir pour l’université. La vie de Jeanne est simple et tranquille entre son travail à la poste, les bons moments avec son amie Suzanne et les dimanches en famille à la ferme. Mais elle cache une nature fantasque et rêveuse qui la pousse à faire d’étranges paris, par exemple suivre des inconnus dans la rue pour voir où leurs pas les mènent.

Bientôt de petits grains de sable se glissent dans les rouages de cette vie routinière : le cadre photo de la performeuse Marina Abramovic tombe et se brise, Jeanne recroise un homme qu’elle a aimé, adolescente, et tout change…

De sa prose épurée et factuelle, Claudie Gallay décrit autant l’ennui que la beauté des jours. Elle évoque admirablement les menus événements du quotidien et les états d’âme de Jeanne, entre son regain de passion pour l’artiste Abramovic et ses doutes sur son couple. Un roman poétique et sans fioritures, qui va droit au coeur comme la beauté simple d’un haïku.

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La promesse d’une naissance

Le cœur battant de nos mères, Britt Bennett, éditions Autrement, 20,90 euros

Nadia, 17 ans, vit seule en Californie avec son père depuis le suicide inexpliqué de sa mère. Elle vit une histoire d’amour naissante avec Luke, fils du pasteur de sa communauté religieuse, le Cénacle. Mais quand elle tombe enceinte et doit avorter en secret, les choses se compliquent…

Nadia quitte Luke et Aubrey, sa meilleure amie, pour devenir étudiante dans une université du Michigan, où elle fréquente l’élite, ne revenant que rarement en Californie. Quelques années plus tard, elle est rappelée au chevet de son père, gravement blessé. Luke et Aubrey sont devenus très proches et les trajectoires des trois personnages vont s’imbriquer inextricablement.

Un premier roman attractif et surprenant, sur un sujet peu exploré en littérature (l’avortement), servi par une écriture simple et juste. Les fidèles du Cénacle s’invitent dans la narration, formant une sorte de chœur antique commentant et rythmant l’action, apportant une touche d’originalité au texte.

Un roman d’apprentissage plein de promesses.

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Deux pépites en format poche pour l’automne

Nora Webster, Colm Toibin, éditions 10/18, 8.40 euros

Le destin d’une femme dans l’Irlande puritaine des années 60.

La vie de Nora bascule lorsque son mari meurt à la suite d’une longue maladie, la laissant seule avec leurs quatre enfants. Au sein d’une communauté qui l’enferme dans le rôle de la veuve éplorée, Nora doit se débattre avec les problèmes financiers et l’éducation de ses enfants ; elle essaye de conquérir une autre place et de retrouver, peu à peu, le désir de vivre.

Un superbe portrait de femme et une héroïne infiniment attachante qui, à force de courage et de volonté, essaye de trouver sa propre place.

Les règles d’usage, Joyce Maynard, éditions 10/18, 8,80 euros

Wendy, 13 ans, mène une vie simple et ordinaire à Brooklyn entre sa mère, son beau-père et son petit frère de 5 ans, Louie. Ce bonheur sans conscience prend fin le 11 Septembre 2001 : sa mère part travailler au World Trade Center et ne revient pas.

Dès lors, le quotidien prend un goût de cendres, les choses de délitent comme se décollent les affiches des disparus sur les murs et l’espoir s’amenuise pour la famille de Wendy. Comment grandir dans un monde bouleversé, privé des règles d’usage habituelles? Un changement radical s’impose à la jeune fille, qui part vivre en Californie avec son père qu’elle connaît peu- tiraillée entre la culpabilité de laisser son beau-père et son frère et le charme de cette nouvelle vie inédite.

Joyce Maynard décrit admirablement les tourments de l’adolescence et le sentiment de perte dans un monde où tous les repères ont disparu. Un roman d’apprentissage émouvant et juste.

 

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Notre sélection de livres de poche pour l’été

La femme qui fuit , Anaïs Barbeau-Lavalette, le Livre de Poche, 7,60 euros

Un roman fascinant, une recherche au long cours sur le personnage de Suzanne Méloche, la grand-mère de l’auteur. Artiste, iconoclaste, membre dans les années 50 du mouvement automatiste québécois, Suzanne quitte son mari et laisse ses enfants, alors âgés de quatre et un an, à sa belle-famille. Dès lors, sa vie ressemble à une perpétuelle fuite en avant ; elle ne reverra ses enfants qu’épisodiquement lors de brèves retrouvailles.

Anaïs Barbeau-Lavalette exhume le personnage de cette aïeule, femme entière et pétrie d’ambivalences, révoltée et révoltante, qui s’engagera dans la lutte contre la ségrégation raciale et écrira des poèmes inspirés mais ne saura pas combiner vie d’artiste et maternité, un dilemme encore d’actualité aujourd’hui. De sa place de petite-fille, elle retrace la vie passionnante de cette femme et tente de comprendre sa trajectoire.

Des chapitres courts et enlevés, un récit vif et émouvant, à lire!

Les vacanciers, Emma Straub, éditions 10/18,  7,10 euros

Voici un premier roman pétillant et mordant, plus proche de la comédie sociale que de calmes vacances au long cours. Franny, quinquagénaire tonique, a organisé des vacances à Majorque pour fêter ses 35 ans de mariage avec son mari, Jim, ainsi que le diplôme de fin d’année de sa fille, Sylvia. Elle veut réunir sa famille et un couple d’amis homosexuels, Charles et Lawrence. Mais à la veille du départ, elle apprend que Jim a eu une relation extraconjugale avec une stagiaire… Qu’à cela ne tienne! La volontaire Franny maintient son programme de vacances contre vents et marées alors que les événements prennent une tournure inattendue…

A partir de ce canevas simple, Emma Straub trempe sa plume dans l’acide pour dépeindre ce groupe qui semble se déliter sous nos yeux : dissimulations, faux-semblants et sentiments exacerbés par ce huis-clos “paradisiaque”, telle est la recette concoctée par Emma Straub pour réjouir nos propres vacances et nous tendre un miroir… on l’espère déformant!

Laissez vous tenter par ce roman ironique et léger, une lecture de vacances oui, mais de qualité.

La vie selon Florence Gordon, Brian Morton, éditions 10/18, 8,10 euros

Alors qu’elle entame la rédaction de ses mémoires, Florence, auteur féministe culte des années 70 dont la gloire s’est ternie, voit son fils Daniel se réinstaller à New-York, flanqué de sa femme Jeanine et de leur fille Emily. Bientôt leurs préoccupations et problèmes relationnels semblent envahir l’espace de la vieille dame, menaçant sa sacro-sainte tranquillité…

On adore détester le personnage de Florence Gordon, mère et grand-mère indigne qui abhorre le métier choisi par son fils (policier), écorche le prénom de sa petite-fille et supporte mal l’admiration béate que lui porte sa belle-fille. Florence est le personnage principal haut en couleur d’une galerie de portraits remarquablement décrits : Daniel, policier ayant étouffé dans l’oeuf des velléités d’artiste,  Jeanine, quadragénaire en proie au doute sur son couple et enfin Emily, la petite-fille frondeuse et pleine d’énergie qui va oser se mesurer à Florence et, peut-être, fendre son armure.

Brian Gordon nous régale avec ce roman d’apparence léger qui soulève des réflexions souvent justes sur les relations familiales. Un roman réjouissant et intelligent ; attention : vous ne pourrez pas le lâcher!

D’après une histoire vraie, Delphine de Vigan, éditions Livre de poche, 7,90 euros

“D’après une histoire vraie” met en scène l’auteur au moment où son lecteur fidèle l’avait laissé, c’est-à-dire en 2011, lors de la parution de son best-seller “Rien ne s’oppose à la nuit” : empreinte de lassitude, vidée par la promotion et le succès inattendu de ce livre très personnel, l’auteur semble dans un état de fragilité inhabituel et se voit dans l’impossibilité d’écrire.

C’est dans ce contexte qu’apparaît le personnage de L., jeune femme rencontrée lors d’une soirée et qui va peu à peu s’immiscer dans sa vie jusqu’à devenir son interlocutrice privilégiée, lui prodiguant conseils et parfois semonces sur son écriture et l’avancée de son prochain livre. Cette relation amicale intime dérive insensiblement vers autre chose, qu’on ne saurait nommer et qui envahit insidieusement le récit, divisé en trois parties comme les trois phases de la relation (séduction, dépression, trahison).

Delphine de Vigan joue ici une partition très subtile, entre manipulation de ses personnages et de ses lecteurs : qui abuse qui ? Avec ce roman à l’allure de thriller, on assiste au déroulement du récit en retenant son souffle, comme devant un numéro de funambule, car c’est bien elle-même que l’auteur met en danger. Bravo!

Parmi les dix milliers de choses, Julia Pierpont, éditions 10/18,  8,10 euros

Une famille New-yorkaise comme il y en a tant : Jack, le père, artiste reconnu et incorrigible séducteur ; Deborah, la mère, ancienne ballerine reconvertie en professeur de danse ; Simon, ado typique, savant mélange de révolte et de nonchalance, et enfin Kay, pré-ado à l’esprit vif en proie aux moqueries de ses camarades. Un paquet anonyme envoyé par la poste va faire voler en éclats le fragile équilibre familial : dans cette boîte, des e-mails aussi impudiques que ravageurs dévoilent la double vie de Jack. Adressé à Deb, le paquet tombe entre les mains des enfants, faisant d’eux les témoins involontaires de l’intimité crue de leur père et créant ainsi des dégâts irréversibles…

De ce canevas habile, Julia Pierpont tire un roman étonnamment construit, posant sur le monde un regard à la fois plein d’humanité et d’une ironie mordante. Elle slalome adroitement, évitant les écueils et poncifs du genre : chaque personnage se révèle riche de contradictions, portant son lot de secrets. Des réflexions d’une grande clairvoyance parsèment le récit, comme cette césure au milieu du roman, où l’auteur résume soudain l’avenir de ses personnages en quelques pages, comme on balaie un panorama du regard. Un roman drôle et subtil, d’une maturité surprenante (l’auteur n’a que 28 ans!). Une réussite.

Ma meilleure ennemie, Paula Daly, Editions Pocket, 7,80 euros

Natty, héroïne du quotidien, s’affaire du matin au soir dans l’hôtel qu’elle dirige avec son mari Sean tout en s’occupant de ses deux filles de 14 et 16 ans. Lorsque la cadette, Felicity, est hospitalisée d’urgence lors de son voyage scolaire  en France, Natty se précipite à son chevet en laissant la maisonnée aux mains de sa meilleure amie, Eve, psychologue de renom, de passage dans la région. Mais à son retour, tout a changé : Sean lui annonce qu’il est tombé amoureux d’Eve et qu’il veut divorcer. Le choc est rude pour Natty, d’autant qu’elle découvre grâce à un message anonyme le passé trouble d’Eve… Elle va devoir se battre pour sa famille face à une ennemie redoutable, rompue aux techniques de manipulation et connaissant ses plus lourds secrets.

Ce qui nous plaît dans ce thriller, comme dans le précédent du même auteur (“la faute” éditions Pocket), c’est l’aspect ordinaire et par là même attachant de ses personnages qui nous ressemblent, pétris de névroses contemporaines ; Ainsi Natty se laisse piéger par son quotidien trépidant, jusqu’à en oublier l’essentiel, en l’occurrence sa vie de couple.

Un triller psychologique implacable, mené tambour battant et dont le dénouement nous laisse abasourdis.

Peyton Place, Grace Metalious, éditions 10/18, 9.60 euros

“L’été indien est semblable à une femme mûre, animée de passions ardentes. Mais c’est une femme volage qui va, vient à sa guise, si bien qu’on ne sait jamais si elle s’apprête à surgir, ni combien de temps elle restera”. A l’image de ces premières phrases, “Peyton Place” est porté tout le long du texte par une écriture lancinante qui envoûte littéralement son lecteur. Grace Metalious nous plonge dans le quotidien d’une petite ville dans les années 40, à travers les destins entrelacés de quatre femmes : Allison, qui ignore tout du secret de sa naissance, sa mère, Constance, une femme au caractère très indépendant, la sensible maîtresse d’école Elsie Thornton et la jolie métisse Selena Cross, venue des taudis de la ville et qui subit les violences de son beau-père alcoolique.

A travers cette chronique sociale au vitriol, Grace Metalious aborde des sujets brûlants pour son époque : le plaisir féminin, les injustices sociales, l’inceste, l’avortement, dans un roman transcendé par une écriture poétique et sensuelle. Trop osé pour l’époque? Ecrasée par son propre succès, l’auteur sombrera dans l’alcoolisme et décédera à l’âge de 39 ans.

Ce que tu veux, Sabine Durrant, éditions Le Livre de Poche, 8,10 euros

Lizzie a perdu son petit ami, Zach, dans un terrible accident de la route. Elle pensait que le pire était derrière elle, mais elle se trompait : Zach la hante au point qu’elle en vient à douter de la réalité de sa mort. Quelques jours avant son décès, Lizzie lui avait envoyé une lettre de rupture…

Sabine Durrant fait alterner les voix des personnages de Lizzie et de Zach, instaurant un climat de tension sourde en revisitant l’histoire du couple : Zach était-il le prince charmant qu’il semblait être? Soucieux du détail jusqu’à l’excès, il apparaît peu à peu comme un homme obsessionnel et irritable, très possessif en amour.

Un suspense lancinant qui nous happe et ne nous laisse aucun répit.

Lettres à Stella, Iona Grey, éditions Pocket, 8, 95 euros

Londres, 2011. Jess, jeune femme en détresse poursuivie par un compagnon violent, se réfugie dans une maison abandonnée. Effrayée et blessée, elle passe la nuit dans cette petite maison d’ouvrier des années 20 où le temps semble s’être arrêté. A son réveil, elle découvre dans la boîte aux lettres une missive avec la mention”personnel et urgent”. Intriguée, la jeune femme ouvre l’enveloppe… et découvre la plus belle lettre d’amour qu’il lui ait été donné de lire. La lettre d’un ancien aviateur américain pendant la seconde guerre mondiale à la femme de sa vie, qu’il veut retrouver alors que ses jours sont comptés. Suite à la lecture de cette lettre, Jess n’a de cesse d’en retrouver les protagonistes…

1943. A Londres, Dan Rosinski croise le chemin de Stella, la jeune épouse d’un pasteur parti à la guerre, et tombe immédiatement sous son charme. Rien ne joue en leur faveur mais cet amour semble exacerbé par les obstacles et s’épanouit dans les nombreuses lettres qu’ils échangent comme autant de promesses de bonheur…

Un roman captivant, qui passe d’une époque à l’autre avec une fluidité remarquable et nous entraîne avec fièvre dans le grand tourbillon de l’histoire. A l’instar du personnage de Jess, on brûle de comprendre l’histoire de Dan et Stella et leur amour par-delà les années nous fait vibrer. Un roman poignant qui n’a pas peur d’être romantique. Magnifique!

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Quatre mariages et un suicide

Résultat de recherche d'images pour "livre mrs hemingway"Mrs Hemingway, Naomi Wood, éditions Quai Voltaire, 21 euros

Ernest Hemingway avait la réputation d’être un homme à femmes, hâbleur et beau parleur. Mais l’homme cachait derrière ses manières frustes un mal de vivre lancinant, que sa vie sentimentale met en exergue ici à travers sa quête inlassable de l’amour. En effet, s’il y a une femme derrière chaque grand homme, lui en eut quatre et les épousa toutes, comme s’il y croyait à chaque fois éperdument.

Naomi Wood nous entraîne dans le sillage de l’écrivain et de ses quatre femmes, chacune chassant l’autre dans un impossible ménage à trois : on passe d’Hadley, douce et maternante, à la volontaire et noceuse Fife, puis à l’intrépide journaliste Martha Gelhorn, dont il se consolera dans les bras de la dévouée Mary Welsch.

De Paris à Cuba en passant par la côte d’Azur, Hemingway épouse ses maîtresses dans un ballet incessant ; au fil des années, des liens se créent même entre elles, d’ennemies elles deviennent alliées autour de la figure de ce colosse aux pieds d’argile. Sur le sujet, on avait déjà lu le livre “Mme Hemingway”, qui évoquait la première femme de l’écrivain ; ici l’auteur réussit le pari de nous rendre chacune de ces femmes attachantes à sa manière et nous livre une saga passionnante.

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