Le corps éparpillé

I am, I am, I am, Maggy O’farrell, éditions Belfond, 21 euros

” I am, I am, I am” est un OVNI littéraire, construit comme une sorte d’inventaire des épisodes de sa vie où l’auteur a frôlé la mort. Chaque chapitre est dédié à l’organe du corps humain ciblé : le cou, manqué d’être étranglé par un violeur en Ecosse ; les poumons, submergés lors d’un plongeon dans l’eau glacée, ou encore le ventre, endolori par un accouchement difficile.

Dix-sept instants suspendus, admirablement décrits par Maggie O’Farrell, dans un livre étonnant d’une intensité rare, qui nous parle des maux du corps, de la confrontation avec la mort toute proche, mais aussi d’hérédité, de maternité, de féminisme…

Un récit qui pourrait s’enliser dans la plainte mais qui apparaît plutôt comme une drôle de litanie scandant le retour à la vie, à l’instar de la phrase de cette autre poète, Sylvia Plath, en exergue du livre : “J’ai respiré profondément et j’ai écouté le vieux battement de mon coeur. Je suis, je suis, je suis.”

Un hymne à la vie.

 

L’âge de raison, Jami Attenberg, éditions 10/18, 7.50 euros

Chronique douce-amère de la vie new-yorkaise, l”âge de raison” est une incursion dans la vie d’Andréa, célibataire citadine, à différentes phases de sa vie, de son installation à New-York après avoir abandonné sa vocation artistique jusqu’à l’approche de la quarantaine. Un récit parfois drôle, parfois poignant, où chaque chapitre saisit un épisode précis de la vie d’Andréa, mêlant présent et passé avec une grande fluidité.

Comment devenir adulte quand, à trente ans et des poussières, on se sent encore comme une ado qui cherche sa voie? A travers les histoires d’Indigo, sa meilleure amie, de son frère et sa belle-soeur, bientôt parents d’une enfant atteinte d’une maladie incurable, de sa mère, militante infatigable (formidables personnages secondaires) Jami Attenberg nous livre le portrait touchant d’une jeune femme dont les tâtonnements reflètent la fragilité de notre époque contemporaine. Une belle surprise que cet “âge de raison”. A découvrir!

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Amères récoltes

Reste avec moi, Ayobami Adebayo, éditions Charleston, 22,50 euros

Yejide et Akin se rencontrent à l’Université d’Ifé et vivent une belle et forte histoire d’amour. Ils se marient, mais quatre ans plus tard, le ventre de Yejide reste désespérément plat. Elle consulte tous les spécialistes en espérant un miracle, jusqu’au jour où une délégation familiale se présente chez elle accompagnée d’une autre jeune femme, Funmi, désignée pour être la nouvelle femme d’Akin. Yejide enrage mais devra désormais partager son quotidien avec cette deuxième épouse, à moins d’un miracle…

Porté par une écriture chamarrée et des personnages hauts en couleur, “Reste avec moi” est un roman original à l’intrigue plus complexe qu’il n’y paraît, et qui peut dérouter par les choix insolites de ses personnages qui transgressent nos valeurs occidentales. Un roman étonnant et atypique qui nous transporte dans le Nigeria des années 80, avec ses coups d’état et ses traditions conservatrices auxquelles se heurte Yejide, figure de femme indépendante au caractère bien trempé.

Dans la lignée des livres de Chimamanda Ngozi Adichie.

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Au delà du polar

Dans les angles morts, Elizabeth Brundage, Le Livre de Poche, 8,90 euros

Février 1979, à Chosen, dans l’état de New York. Le professeur George Clare rentre chez lui et trouve sa femme assassinée alors que sa fille de trois ans, Franny, est indemne. Pour le Shérif Travis Lawton, George est le premier suspect.

Huit mois plus tôt, George et Catherine achetaient l’ancienne ferme des Hale à un prix avantageux, George ayant omis de dire à sa femme que les anciens propriétaires, criblés de dettes, s’étaient suicidés dans la ferme, laissant trois orphelins, Eddy, Wade et Cole.

L’histoire des frères Hale se mêle à celle de George et Catherine qui, comme pour se faire pardonner quelque chose, les emploient pour rénover la ferme. Des liens ambigus vont alors se nouer et l’histoire semble se répéter, à l’ombre de cette demeure inquiétante. Au delà du polar, “Dans les angles morts” est un grand roman américain comme on les aime, dense et envoûtant, un roman noir distillant une ambiance angoissante, mêlant les destinées de personnages d’horizons différents avec brio, avec des portraits d’une grande finesse psychologique.

Une fresque humaine inoubliable.

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Des romans familiaux

En nous beaucoup d’hommes respirent, Marie-Aude Murail, éditions l’Iconoclaste, 20 euros

En vidant la maison de ses parents après le décès de son père, Marie-Aude Murail tombe sur des liasses de lettres et de photos soigneusement conservées et annotées. Elle retrouve notamment le roman écrit par son grand-père Raoul, racontant son histoire d’amour avec Cécile, jeune femme en grand deuil passant devant don atelier et dont il tombe immédiatement amoureux. Petite histoire qui rejoint la grande, puisque la guerre 14-18 éclate quelques mois après leur rencontre…

Dans cette fresque familiale de plus de 400 pages, Marie-Aude Murail, célèbre pour ses romans destinés à la jeunesse, remonte le fil de l’histoire familiale et convoque les protagonistes de plusieurs générations, grand-parents, parents, pour enfin nous livrer sa propre histoire avec une désarmante sincérité : amours plurielles, ambivalence du sentiment maternel, l’auteur n’épargne ni son lecteur ni elle-même.

Illustré de documents d’archives et de photos, “En nous beaucoup d’hommes respirent” est un livre iconoclaste et irrévérencieux comme son auteur, une saga familiale formidablement vivante qu’on dévore avec bonheur.

L’amour qui me reste, Michela Marzano, éditions Grasset, 19 euros

Un texte comme tiré au cordeau sur le lien mère-enfant, la filiation, l’adoption, la recherche des origines. Giada, 25 ans, la fille adoptive de Daria, vient de se donner la mort. Anéantie, Daria se laisse d’abord couler puis tente de comprendre ce qu’a vécu sa fille et les raisons de son geste.

Le récit alterne entre le moment présent et les différentes étapes de l’existence de Giada, que Daria fait défiler comme une sorte de film intérieur. Peu à peu Daria découvre que Giada recherchait sa mère biologique et souffrait de ne pas connaitre le secret de ses origines, traversant une grave crise d’identité. Rongée par la culpabilité, Daria interroge aussi le mot laissé par Giada : “Je vous demande pardon. Désolée papa, je n’y arrive plus (…) dis à maman qu’elle est parfaite”. Mais quelle est cette mère parfaite qui n’a pas su retenir sa fille?

Dans un style direct et épuré, Michela Marzano explore les thèmes de la filiation, de la transmission et du deuil. Un livre émouvant qui se lit d’une traite.

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Avec toutes mes sympathies, Olivia de Lamberterie, éditions Stock, 18,50 euros

Olivia de Lamberterie, critique littéraire de renom, ne parvient plus à lire les mots des autres depuis la mort de son frère le 14 Octobre 2015. La dépression a finalement eu raison d’Alex, qui s’est jeté du pont Jacques-Cartier à Montréal où il vivait avec sa femme et sa fille. L’auteur fait revivre ce frère étonnant et flamboyant, qui sait si bien faire vibrer la vie malgré la noirceur qui l’étreint parfois. Noirceur héréditaire ou malédiction familiale? Cela fait partie des questions qui émergent au fil du récit puisque les suicides sont nombreux chez les hommes de la famille paternelle. Famille aristocrate tendance 16ème arrondissement où l’on exprime peu ses sentiments : “Never explain, never complain”.

De pensées magiques en coïncidences, Olivia de Lamberterie évoque le deuil de façon très personnelle tout en réfutant le passage obligé du fameux “travail de deuil”. Dans un style direct et épuré, elle nous livre un texte poignant, parfois déchirant, mais empli d’une belle force de vie et porté par un amour fraternel sans faille.

“Je voulais que mon frère devienne immortel”:  c’est chose faite avec ce roman en forme d’hommage.

Tenir jusqu’à l’aube, Carole Fives, éditions l’Arbalète, 17 euros

La jeune femme vit seule à Lyon, où elle ne connaît personne, avec son enfant de 2 ans. Elle y a rejoint son compagnon, qui a fini par la laisser avec l’enfant sans plus d’explication. Les journées se passent en vase clos, entre repas, siestes et promenades au parc. La situation devient vite inextricable : la jeune femme travaille en free lance mais ne trouve pas de missions puisqu’elle n’a pas les moyens de faire garder son enfant. Le soir venu, elle s’offre des échappées, comme des respirations. Elle laisse l’enfant endormi pour aller humer l’air de la nuit, marcher quelques minutes librement, de plus en plus longuement, comme jouant avec le feu.

Sur cette trame simple, Carole Fives tricote une fable contemporaine qui dénonce l’individualisme de notre société, la grande solitude dans laquelle peuvent vivre les mères solos. Cercle vicieux administratif, fins de mois difficiles, difficulté à travailler et faire garder son enfant, le roman s’attaque à des sujets peu explorés en littérature mais qui concernent une grande partie des français : “Tenir jusqu’à l’aube”, c’est comment ne pas basculer, face à notre vie moderne parfois dénuée de sens, dans le désespoir ou la folie.

 

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Le cœur battant de nos mères, Britt Bennett, éditions J’ai lu, 8 euros

Nadia, 17 ans, vit seule en Californie avec son père depuis le suicide inexpliqué de sa mère. Elle vit une histoire d’amour naissante avec Luke, fils du pasteur de sa communauté religieuse, le Cénacle. Mais quand elle tombe enceinte et doit avorter en secret, les choses se compliquent…

Nadia quitte Luke et Aubrey, sa meilleure amie, pour devenir étudiante dans une université du Michigan, où elle fréquente l’élite, ne revenant que rarement en Californie. Quelques années plus tard, elle est rappelée au chevet de son père, gravement blessé. Luke et Aubrey sont devenus très proches et les trajectoires des trois personnages vont s’imbriquer inextricablement.

Un premier roman attractif et surprenant, sur un sujet peu exploré en littérature (l’avortement), servi par une écriture simple et juste. Les fidèles du Cénacle s’invitent dans la narration, formant une sorte de chœur antique commentant et rythmant l’action, apportant une touche d’originalité au texte.

Un roman d’apprentissage plein de promesses.

Gabriële, Anne et Claire Berest, éditions Le Livre de poche, 8,20 euros

Les deux arrières petites-filles de Gabriële Buffet-Picabia s’emparent du personnage de leur aïeule avec le besoin d’en découdre, de mieux comprendre cette femme singulière dont les quatre enfants et, par extension, leur descendance, n’étaient pas la préoccupation première.

Gabriële se révèle un personnage romanesque à souhait car pétrie d’ambivalences : éprise de liberté mais épouse dévouée à son mari, musicienne qui abandonne la musique, amoureuse intense mais platonique, elle est la muse des artistes qui l’entourent (Picabia, Duchamp, Apollinaire), celle qui influence, théorise, enflamme les consciences et les coeurs.

On suit avec passion les aventures de Gabriële et du couple iconoclaste qu’elle forme avec Picabia dans cette fresque historique qui est à la fois une histoire d’amour fou et une plongée dans le monde de l’art moderne à ses débuts.

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Des poches au coeur de l’été

Je vous aimais, terriblement, Jeremy Gavron, 10/18, 7,50 euros

On entre dans ce livre comme dans un mystère, un tunnel où peu à peu la lumière s’infiltrerait, par faisceaux successifs, éclairant le visage d’une femme aux mille facettes, l’objet de ce récit fascinant et poignant. Le 14 Décembre 1965, Hannah Gavron, universitaire et mère de famille de 29 ans, dépose son petit dernier à l’école, se rend dans l’appartement d’une amie dont elle a la clef, calfeutre les portes et les fenêtres, et ouvre le gaz. Jeremy Gavron est le petit garçon déposé à l’école ce jour-là, il n’a appris la vérité sur cette mort que beaucoup plus tard et part à la recherche de sa mère.

Ce livre est un livre inclassable mais passionnant, la quête identitaire d’un homme qui n’a quasiment pas connu sa mère, une investigation aussi minutieuse que dans un polar et un superbe portrait de femme dans toutes ses ambivalences. Lettres, journaux, photos, expriment peu à peu la vérité -et les zones d’ombre- de cette femme libre avant l’heure, auteur féministe au caractère bien trempé, jeune femme pétulante prête à croquer la vie à pleines dents. On chemine en même temps que le narrateur dans la découverte de cette femme en proie aux difficultés de son époque, comme l’ “épouse captive” de son propre livre et on songe au destin étincelant qui l’attendait si elle n’avait commis ce geste fatal, laissant paradoxalement, beaucoup d’amour et autant de mystère. Un livre envoûtant.

Les furies, Lauren Groff, éditions Point, 8,50 euros

Début des années 90. Lotto et Mathilde, 22 ans, se rencontrent et forment vite un couple mythique pour leurs camarades : lui, séduisant, hâbleur, populaire ; elle, véritable figure hitchcockienne, belle, froide et mystérieuse. Ils bousculent les convenances en se mariant très vite. Après des années de soirées déjantées et de vaches maigres durant lesquelles Mathilde subvient aux besoins matériels du couple, Lotto se révèle en tant que dramaturge et sa carrière prend une ampleur inattendue. Leur couple semble solide et équilibré, mais derrière les apparences subsistent de larges zones d’ombre que le lecteur brûle d’explorer…

Un roman âpre et concis, qui dissèque les mécanismes des relations humaines et nous tend le miroir déformant d’une société au cynisme implacable. Au milieu d’un halo de lumière, le couple de Lotto et Mathilde semble danser un tango infernal, entouré de personnages secondaires bien campés. Lauren Groff ne ménage pas son lecteur en opérant une audacieuse volte face au centre du récit, qui nous amène à tout reconsidérer, formant ainsi un roman à tiroirs qui nous surprend jusqu’au dénouement. Un roman inspiré et lyrique révélant toute l’ambivalence de l’être humain.

Nos âmes, la nuit, Kent Haruf, éditions Pavillons poche, 8 euros

Voici un petit livre magique, un petit livre surprenant dont la simplicité n’a d’égale que l’intensité. Addie, soixante-quinze ans, veuve depuis longtemps, convie son voisin Louis, veuf lui aussi, à passer de temps à autre la nuit avec elle, pour parler un peu et se tenir compagnie. Bientôt les deux voisins se retrouvent presque tous les soirs, au mépris des rumeurs et des jugements dans cette petite ville de Holt où ils vivent depuis toujours. Mais leurs enfants finissent par s’en mêler et les choses se compliquent… Voilà en substance, l’intrigue assez simple de cette pépite littéraire étonnante.

Le livre nous conduit pas à pas vers le vif du sujet, comme Addie qui semble conduire Louis peu à peu vers une nouvelle façon d’aimer. Et l’on découvre avec eux cette relation libre, affranchie des conventions et du qu’en-dira-t-on, comme on retrouverait la joie de l’enfance et des choses simples. Kent Haruf nous offre avec ce roman une leçon de vie, un livre léger traitant de sujets plus graves qu’il n’y paraît : la vieillesse, la solitude, le repli sur soi, mais aussi la richesse du lien qui n’a pas d’âge. Un délice!

Une bobine de fil bleu, Anne Tyler, 10/18, 8,80 euros

Chronique de la famille Whisthank, “Une bobine de fil bleu” nous fait découvrir cette famille ordinaire et affectueuse où gravitent quatre enfants (deux filles et deux garçons) et plusieurs petits-enfants autour des figures parentales, Abby et Red. Si les enfants sont aujourd’hui de retour à Baltimore, c’est que le comportement d’Abby les inquiète : absences, fugues, la vieille dame paraît désorientée. Quant à Red, il devient un peu dur d’oreille… mais aucun des deux ne veut quitter la maison familiale, qui appartenait aux parents de Red et que celui-ci bichonne sans arrêt. Alors ce sont les deux garçons qui vont s’installer avec eux, Stem et sa famille et Denny, le fils rebelle. La promiscuité réveille les rancoeurs et les non-dits, menaçant l’équilibre familial…

Anne Tyler compose une mélodie subtile empreinte de nostalgie, comme une petite musique qui reste en tête et nous accompagne tout au long du livre dans les pas de personnages attachants. Et si les familles heureuses n’étaient pas exemptes de secrets? Un roman dense et émouvant.

Les oubliés du dimanche, Valérie Perrin, Le Livre de Poche, 7,90 euros

Justine Neige, 21 ans, est aide-soignante à la maison de retraite des Hortensias ; elle vit depuis son enfance dans le petit village de Milly où elle a été élevée par sa grand-mère avec son cousin, leurs parents étant morts dans un accident de la route. Justine se sent un peu décalée par rapport aux jeunes de son âge et vit sa vie par procuration à travers les histoires des autres, notamment celle d’Hélène, une résidente de 96 ans qui a connu l’amour avec Lucien pendant la guerre, puis la trahison et la déportation. Justine retranscrit sur un petit cahier bleu les confidences de la vieille dame. Mais à travers l’histoire d’Hélène, c’est la vérité sur la sienne que Justine interroge sans relâche…

Une narration vivante et rythmée, une héroïne infiniment attachante, “les Oubliés du dimanche” est un roman tout en légèreté sur la mémoire et la transmission. Un grand bol d’air frais!

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Un couple à la dérive

Un mariage anglais, Claire Fuller, Stock, 22 euros

Gil Coleman, vieil écrivain vivant reclus au milieu de ses piles de livres, croit voir sa femme, disparue depuis 12 ans, dans la rue. Il se blesse en voulant la poursuivre et ses deux filles, Flora et Nan, sont appelées à son chevet. Commence alors un huis-clos familial autour de la figure de Gil et surtout d’Ingrid, dont l’absence hante le récit.

Lorsqu’elle rencontre Gil, Ingrid est une étudiante prometteuse, il est son professeur de Littérature. Contraints de quitter la fac où Gil enseignait, ils se marient et s’installent dans la maison de celui-ci, en bord de mer. Quinze ans pus tard, Gil est devenu un écrivain à succès ; Ingrid doit accepter ses fréquentes absences, ses retraits dans son atelier pour écrire en paix, son tempérament de séducteur invétéré. N’arrivant plus à communiquer avec lui, Ingrid commence à lui écrire des lettres où elle relate leur histoire sentimentale, qu’elle glisse dans ses livres…

Le récit, qui alterne entre scènes du moment présent et réminiscences du passé à travers les lettres d’Ingrid, offre à la fois la fine et sensible analyse d’un couple ainsi qu’un magnifique portrait de femme. Un roman à clefs dont les rebondissements nous surprennent, à lire sur la plage!

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La vie parfaite, Silvia Avallone, éditions Liana Levi, 22 euros

A la manière d’une fable, Silvia Avallone nous dépeint une chatoyante fresque italienne autour du thème central de la maternité et de ses contours : désir, instinct, peur, rejet.

Adèle, jeune fille de 18 ans, va accoucher seule puisque le père de son enfant est en prison. Sans ressources, elle songe à confier son enfant à l’adoption. De l’autre côté de Bologne, Dora, professeur de littérature, femme accomplie et éclairée, est de plus en plus obnubilée par son désir d’enfant inassouvi, jusqu’à en perdre le contrôle…

Comme dans “D’acier” (qui nous avait subjugué), Silvia Avallone nous décrit des personnages à la lisière de la précarité ou de la folie, chacun aspirant à un idéal illusoire. Dans une langue incandescente et âpre, elle mêle admirablement réalité sociale et drames intimes.

Les anges et tous les saints, J.Courtney Sullivan, éditions Rue Fromentin, 23 euros

Nora et Theresa sont deux soeurs aux caractères très dissemblables : autant l’aînée est calme et réservée, autant la cadette est directe voire délurée. Dans les années 50, à 17 et 21 ans, elles quittent l’Irlande pour vivre à Boston et ne vivent pas ce changement de la même manière : Nora le redoute alors que Theresa le voit comme une chance de changer de vie.

Fin des années 2000. Nous retrouvons Nora qui vient de perdre Patrick, l’aîné de ses quatre enfants, dans un accident de voiture. Cet événement réveille les fantômes du passé et va peut-être réunir les deux soeurs, dont les vies ont pris des voies parallèles.

Entrelaçant avec habileté scènes passées et actuelles, J.Courtney Sullivan explore à nouveau des thèmes qui lui sont chers : les liens familiaux, l’émancipation féminine dans un monde régi par le poids des traditions, les racines, le sentiment de culpabilité. L’auteur relate avec une grande finesse les destins croisés des deux soeurs, déterminés par les choix faits dans leur jeunesse, et leur cheminement personnel au gré de l’évolution de la société américaine.

Conteuse hors pair, J.Courtney Sullivan nous offre un roman dense et nuancé sur la famille et précisément le lien sororal.

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Chanson douce en format poche… à lire absolument!

Chanson douce, Leila Slimani, Folio, 7,25 euros

“Chanson douce” est un livre au titre sibyllin qui nous pousse dans nos derniers retranchements. Paul et Myriam engagent une nourrice pour s’occuper de leurs deux enfants à domicile afin que Myriam reprenne le travail. Louise se révèle parfaite, facilitant leur quotidien et prenant une place prépondérante dans leur vie…jusqu’au drame.

Leila Slimani réussit l’exploit d’accrocher le lecteur alors qu’elle annonce tout de suite la couleur avec une scène d’ouverture glaçante, celle du meurtre des deux enfants. Mais la force du livre réside justement là : chronique d’un drame annoncé, “Chanson douce” maintient une tension sourde, créant une montée en puissance vers l’inexorable dénouement. C’est un autre combat qui se joue en coulisses, celui d’une implacable lutte des classes, le couple faisant miroiter à Louise une autre vie possible, et celui d’une rivalité insidieuse entre la mère et la nourrice, là où se joue le pouvoir maternel.

Un roman qui dit beaucoup de notre société qui veut tout “gérer” jusqu’à l’épanouissement de ses enfants. Est-ce Louise qui glisse vers la folie dans un fantasme de toute-puissance ou notre société qui explose à force de vouloir tout contrôler? Une plume crue et incisive, un roman acerbe et résolument contemporain qui honore cette rentrée littéraire.

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