La vie selon Florence Gordon, Brian Morton, éditions 10/18, 8,10 euros
Alors qu’elle entame la rédaction de ses mémoires, Florence, auteur féministe culte des années 70 dont la gloire s’est ternie, voit son fils Daniel se réinstaller à New-York, flanqué de sa femme Jeanine et de leur fille Emily. Bientôt leurs préoccupations et problèmes relationnels semblent envahir l’espace de la vieille dame, menaçant sa sacro-sainte tranquillité…
On adore détester le personnage de Florence Gordon, mère et grand-mère indigne qui abhorre le métier choisi par son fils (policier), écorche le prénom de sa petite-fille et supporte mal l’admiration béate que lui porte sa belle-fille. L’aïeule acariâtre suscite malgré tout une certaine sympathie car elle suit ses désirs quitte à déplaire et conserve sa liberté d’action en toutes circonstances, renvoyant dans ses pénates l’ “ange du foyer” dont se méfiait déjà Virginia Woolf. Florence est le personnage principal haut en couleur d’une galerie de portraits remarquablement décrits : Daniel, policier ayant étouffé dans l’oeuf des velléités d’artiste, Jeanine, quadragénaire en proie au doute sur son couple et enfin Emily, la petite-fille frondeuse et pleine d’énergie qui va oser se mesurer à Florence et, peut-être, fendre son armure.
Brian Gordon nous régale avec ce roman d’apparence léger qui soulève des réflexions souvent justes sur la famille, les relations entre les êtres et aborde sans avoir l’air d’y toucher des thèmes auxquels on ne s’attend pas, entre autres le féminisme et la question de la réalisation de soi, l’égoïsme appliqué aux femmes apparaissant toujours un peu monstrueux – comme l’illustre le personnage de Florence. Un roman réjouissant et intelligent ; attention : vous ne pourrez pas le lâcher!