Les corps inutiles, Delphine Bertholon, Livre de Poche, 7.30 euros
C’est peu de dire que Delphine Bertholon ne fait pas dans les bons sentiments : son roman est noir, baignant dans une ambiance glauque, peuplé de personnages fragiles et désabusés. Pourtant, une lueur d’espoir subsiste au sein de ce chaos, car l’auteur a su rendre attachants ses personnages, dont les failles et les faiblesses sonnent juste.
Clémence a 15 ans et se rend à une fête pour la fin de l’année scolaire. Dans une ruelle, un homme l’agresse ; rien ne sera plus jamais pareil…On retrouve Clémence à 30 ans, installée dans le sud, maquilleuse à “La Clinique”, une usine qui fabrique des poupées grandeur nature pour adultes frustrés et fortunés. Solitaire, la jeune femme a perdu le contact avec ses propres émotions ; tous les 29 de chaque mois, elle célèbre un sinistre anniversaire en séduisant un inconnu.
Delphine Bertholon aborde un sujet difficile d’une façon subtile et montre comment une jeune fille peut se mettre en danger lorsqu’elle a subi une violence et comme le chemin est long pour se réapproprier son corps et ses émotions. Elle nous livre une réflexion sur la violence et l’intime et comment en sortir pour faire confiance à nouveau.
Juste avant l’oubli, Alice Zeniter, J’ai Lu, 7.10 euros
Le fantôme d’Agatha Christie hante l’atmosphère du roman d’Alice Zeniter. Une poignée de passionnés universitaires se réunissent sur l’île de Mirhalay, au large de l’écosse, pour rendre hommage au grand écrivain Galwin Donnell, qui s’y donna la mort en se jetant d’une falaise. Cette fois-ci, c’est la jeune thésarde Emilie qui organise le colloque rituel. Son compagnon Franck, modeste infirmier sans prétention, doit la rejoindre et compte bien lui proposer un avenir amoureux tout tracé. Mais sur l’île, rien ne se passe comme prévu…
A travers ce regroupement de spécialistes autour de la figure de l’écrivain maudit Galwin Donnell, sorte de mélange entre Ernest Hemingway, Peter May et Romain Gary, Alice Zeniter nous offre la peinture ironique d’une communauté d’intellectuels ergotant sur des points de détail pour notre plus grand bonheur. Mais c’est aussi le roman de la fin d’un couple et le portrait en creux de l’héroïne dans le regard amoureux de Franck, ainsi qu’un roman policier – car Galwin Donnell s’est-il vraiment jeté du haut de la falaise?
Servi par une écriture fluide et résolument contemporaine, “Juste avant l’oubli” est la bonne surprise de la rentrée littéraire 2015… enfin en poche!
Camille, mon envolée, Sophie Daull, Livre de Poche, 6.60 euros
Ce livre n’est pas un livre facile, ce livre n’est pas un de ces “feel-good book” en vogue actuellement et c’est justement pour ça qu’on l’aime. C’est un livre coup de poing, le cri de détresse d’une mère à qui la vie a arraché sa fille de 16 ans, mais c’est aussi le chant d’amour de cette femme pour sa fille, un chant célébrant la vie dans toute sa beauté, son absurdité, son ironie.
Sophie Daull commence à écrire dans les premiers jours qui suivent la mort de Camille, au terme de 4 jours d’une fièvre sidérante, juste avant Noël. Ecrire pour ne pas sombrer et pour ne pas oublier Camille et son regard “franc, droit, lumineux” . Elle évoque les moments quotidiens, les anicroches, les engueulades, les fous rires mais aussi la gestion au jour le jour de l’ “après” : l’organisation des funérailles, la distribution des objets, peluches, vêtements, ayant appartenu à l’adolescente.
Ce témoignage poignant nous émeut par son aspect universel, par la description si juste de la perte d’un être cher ; son livre n’est pas seulement un très bel hommage, mais aussi un acte de résistance et de courage.