Les gens dans l’enveloppe, Isabelle Monnin, éditions JC Lattès, 22 euros
Voilà un drôle de roman, fruit d’une démarche artistique singulière qui en fait un concept à part entière. En 2012, l’auteur achète à un brocanteur sur Internet une enveloppe contenant les photos d’une famille dans les années 70. Elle va écrire le roman de ces “gens dans l’enveloppe”, imaginer, à partir des photos, leur quotidien, leurs espoirs et leurs failles intimes. Le roman se découpe en deux parties : une première partie “romancée”, au milieu le cahier-photo des personnages, puis vient la seconde partie, l’enquête menée par l’auteur pour tenter de retrouver les membres de cette famille.
Cette construction particulière fait du roman une sorte d’OVNI littéraire qui nous intrigue et nous touche : les “gens dans l’enveloppe”, c’est un peu nous, c’est la France des années 70 qu’on a connue, du papier-peint psychédélique au pull rayé qui gratte. La force du roman réside dans ses personnages, figures de la classe moyenne de l’époque, qui nous émeuvent parce qu’ils nous ressemblent, mais aussi dans l’enquête, qui révèle de troublantes coïncidences entre fiction et réalité. Un roman attachant qui décrit le mystère que recèle chaque vie et que l’on a parfois du mal à percevoir. Une découverte.
Juste avant l’oubli, Alice Zeniter, Flammarion, 19 euros
Le fantôme d’Agatha Christie hante l’atmosphère de ce dernier roman d’Alice Zeniter. Une poignée de passionnés universitaires se réunissent sur l’île de Mirhalay, au large de l’écosse, pour rendre hommage au grand écrivain Galwin Donnell, qui s’y donna la mort en se jetant d’une falaise. Cette fois-ci, c’est la jeune thésarde Emilie qui organise le colloque rituel. Son compagnon Franck, modeste infirmier sans prétention, doit la rejoindre et compte bien lui proposer un avenir amoureux tout tracé. Mais sur l’île, rien ne se passe comme prévu…
A travers ce regroupement de spécialistes autour de la figure de l’écrivain maudit Galwin Donnell, sorte de mélange entre Ernest Hemingway, Peter May et Romain Gary, Alice Zeniter nous offre la peinture ironique d’une communauté d’intellectuels ergotant sur des points de détail pour notre plus grand bonheur. Mais c’est aussi le roman de la fin d’un couple et le portrait en creux de l’héroïne dans le regard amoureux de Franck, ainsi qu’un roman policier – car Galwin Donnell s’est-il vraiment jeté du haut de la falaise?
Servi par une écriture fluide et résolument contemporaine, “Juste avant l’oubli” est une des bonnes surprises ce cette rentrée littéraire.