Faber, le destructeur, Tristan Garcia, éditions Gallimard, 21.50 euros
Faber, jeune garçon de la Ddass adopté par un couple âgé, arrive à Mornay (ville imaginaire librement inspirée de Chartres) vers 8 ans et éblouit déjà ses camarades, particulièrement Basile, petit garçon réservé à lunettes, et Madeleine, le garçon manqué. Tous les trois deviennent inséparables jusqu’à l’adolescence. Faber, personnage passionné refusant toute compromission, devient à la puberté un véritable trublion, aussi brillant que rebelle, meneur de la grève dans le lycée, défiant l’autorité tout en usant de son charisme auprès des jeunes de son âge et des adultes. Basile et Madeleine, fascinés par leur ami et entraînés dans son sillage, ne semblent plus maîtriser les événements et se laissent emporter par une sorte de fascination malsaine…
Quelques années plus tard, Madeleine est devenue pharmacienne (comme sa mère), Basile professeur de français ; Faber va alors resurgir à Mornay. Figure déchue de l’insoumission passée, revenu de ses illusions, il semble n’être qu’un fantôme de lui-même. Mais son retour remet en cause tous les choix de vie de ses amis et vient remuer les ombres du passé.
Tristan Garcia est, à n’en pas douter, l’un des auteurs les plus doués de sa génération et nous livre ici un roman maîtrisé, social, contemporain. L’introduction, qui présente le roman comme celui des enfants de la classe moyenne nés au début des années 80, est particulièrement réussie et alléchante. Cependant, je n’ai pas réussi à m’attacher à ses personnages assez métaphoriques et stéréotypés ; si j’ai apprécié le roman d’un point de vue intellectuel, certains procédés (dont l’irruption de l’auteur lui-même dans le roman) m’ont gêné et empêché d’apprécier complètement ce texte et surtout, d’être touchée au coeur.
Esprit d’hiver, Laura Kasischke, éditions Bourgois, 20 euros
Le matin de Noël, après un réveil tardif, Holly affronte une matinée difficile où rien de ne passe comme prévu : alors qu’elle attend son mari, parti chercher ses parents à l’aéroport, une tempête de neige se lève, empêchant tout contact avec l’extérieur ; elle se retrouve seule avec sa fille adolescente, Tatiana, qui, habituellement affectueuse, semble aujourd’hui hostile et sujette aux sautes d’humeur.
A l’instar de David Lynch, dont elle apprécie les films, Laura Kasischke dépeint un contexte ordinaire qui, soudain, bascule dans l’étrangeté. Les lieux de l’intime, comme les personnes proches, deviennent peu à peu inquiétants et étrangers. L’auteur explore des thèmes qui lui sont chers : la famille, les rapports mère-fille, la société américaine contemporaine dans son aspect aseptisé.
Une fable de Noël décalée et inquiétante, un univers presque gothique servi par une écriture ciselée qui nous enchante et nous laisse une impression d’angoisse diffuse. A découvrir.