Une fille, qui danse, Julian Barnes, éditions Mercure de France
Voici un livre court, dense et rare qui nous laisse charmés, voire envoûtés. Le narrateur, Tony, la soixantaine, reçoit une lettre de notaire énigmatique le reliant à un testament difficile à comprendre. Dès lors, ses souvenirs resurgissent, le ramenant à ses années d’étudiant, lorsqu’il fréquentait la belle Véronica : le groupe de quatre qu’il formait avec ses amis, sa complicité avec Adrian, qui se joignit à leur petite troupe par la suite, le week-end assez étrange qu’il passa dans la famille de Véronica, puis ce soir où elle se laissa aller à danser devant lui… Puis, après le drame intime d’apprendre qu’Adrian et Véronica ont entamé une relation amoureuse, sa lettre rageuse aux deux tourtereaux, suivi du suicide d’Adrian, enfin tant d’années plus tard ce curieux testament.
A la manière d’une enquête dont la terrible vérité ne se dévoile qu’à la toute fin, c’est dans les méandres de la mémoire que nous entraîne Julian Barnes, par une suite de réminiscences, d’évènements occultés et d’impressions étrangement oniriques. On pourrait dire que “Une fille, qui danse” est d’abord le roman des souvenirs et de la mémoire, ceux d’un narrateur qui a volontairement enseveli ses émotions passées pour vivre une vie convenable et terne mais qui sera finalement rattrapé par son passé. Un roman d’une grande maîtrise, qui à la fois nous tient en haleine et nous charme à la manière d’une ballade nostalgique. Lumineux.
Ce que je peux te dire d’elles, Anne Icart, éditions Robert Laffont
Un matin très tôt, le téléphone sonne chez Blanche : sa fille, Violette, vient d’accoucher d’un petit garçon. Blanche est bouleversée : elle ne savait même pas que sa fille était enceinte…Immédiatement, elle prend un train qui la mènera de Toulouse vers Paris, emportant avec elles les carnets de moleskine qui contiennent sa propre histoire et celle de cette lignée de femmes qui l’ont élevée et lui ont appris à vivre.
Mais Violette acceptera -t -elle le legs de sa mère, lourd de sentiments mais aussi de casseroles familiales encombrantes? Blanche raconte ici son histoire, petite fille élevée par un clan de femmes, entre sa mère et ses deux tantes, qui elles-mêmes furent élévées par leur grand-mère. Une famille de femmes donc, à la fois formidablement stimulante et terriblement envahissante, avec trois modèles feminins qui s’offrent à la fillette : sa mère, Angèle, la belle journaliste de la “Dépèche du Midi”, aux humeurs vertigineuses depuis la mort de son mari, le père de Blanche, avant sa naissance ; Justine, la féministe, battante, qui créera sa maison de couture, et enfin, Babé, la petite dernière, tendre maman sans enfants, pilier de cette drôle de famille.
Porté par une écriture sensible, on suit avec passion le destin de ces trois femmes dans les années soixante-dix, et dans leur sillon, les choix de Blanche (dont celui d’avoir un enfant “sans père”) et ce qu’elle essaie de transmettre à sa fille, malgré tout. Le deuxième roman d’Anne Icart est une vraie saga familiale, chaleureuse et attachante.